Toutes des Femmes
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vidéo documentaire

Comment la droite réactionnaire construit une "question trans" ?

Dans cette vidéo documentaire écrite par le collectif et produite avec XY Media, #ToutesDesFemmes décrypte comment les droites et extrême-droites se saisissent de la transphobie pour créer une panique morale, mettre en place des mesures contre les droits des personnes trans dans de nombreux pays, et rassembler autour d’elles tous les transphobes.

#ToutesDesFemmes est un collectif féministe né en février 2020 dont le but est de contrer le développement des mouvements et discours anti-trans dans l’espace médiatique et politique français. Dans ce but le collectif mène des actions de créations de contenu, de communications, de formation, de construction d’alliance mais aussi un travail important de veille et d’analyse de l’organisation, des stratégies et des argumentaires de nos adversaires.

XY Media est le premier média transféministe audiovisuel en France. Leur mission est de promouvoir le discours transféministe dans l’espace médiatique, donner une plus grande plateforme médiatique aux associations trans telles qu’Acceptess T. Leur équipe est constituée des personnes trans qui travaillent dans l’audiovisuel, sont journalistes ou sont militant-es dans le milieu associatif. 

Cette vidéo a bénéficié de l’aide de ILGA Europe.

 

1. L’extrême droite se saisit du sujet, une arme de panique morale

Avec le collectif #ToutesDesFemmes, depuis plus de deux ans, on suit et on analyse tous les discours transphobes tenus dans les médias et la sphère politique.

En février 2020, nous nous sommes créés autour de la rédaction d’une tribune “ Féminisme : le débat sur la place des femmes trans n’a pas lieu d’être “ cosignées par des femmes cis et trans et la majorité des organisations féministes et LGBTI française. Alors que des féministes transphobes prenaient la paroles dans les médias, il nous semblait important de rappeler que dans une société patriarcale, nous subissons les mêmes oppressions, et les mêmes violences.

Mais depuis quelque temps, un peu plus d’un an, un phénomène nouveau se produit. Alors qu’elle semblait auparavant peu concernée, c’est l’extrême droite qui se saisit désormais régulièrement du sujet.

Ils y voient une opportunité pour attirer de nouveaux électeurs, pour semer un vent de panique et en récolter les fruits.

Ces derniers mois, plusieurs films et documentaires ont permis au grand public de s’informer sur la question de la transidentité. S’ils permettent de s’éloigner d’une vision complètement fantasmée des personnes trans, ils gardent malgré tout souvent une approche sensationnaliste, notamment en mettant en avant particulièrement des trajectoires d’enfants trans.

Pour l’extrême droite, il est facile d’instrumentaliser ces histoires et d’en faire des supports de panique morale pour le grand public. Beaucoup de gens n’est pas prêt à reconnaître la capacité des enfants à déterminer leur genre de manière autonome. Mettre en avant des dangers imaginaires pour les enfants, c’est d’ailleurs déjà ce que la manif pour tous faisait pour l’adoption par les couples homosexuels, ou pour combattre l’éducation à la sexualité à l’école.

Dans ce cas précis, ils ont beau jeu de déformer les faits, prétendre que l’on encourage les enfants à transitionner, que l’on fait des opérations irréversibles sur des mineurs, toutes choses qui sont complètement fausses.

Ils utilisent des arguments pseudo-scientifiques, mettent en avant des faits divers isolés. Ils instrumentalisent aussi la question du sport, se découvrant soudainement une passion pour le sport féminin, comme si le principal problème n’était pas les énormes inégalités entre les moyens disponibles pour les femmes et les hommes. 

Ils se réunissent entre faux experts, qui n’y connaissent en réalité rien au sujet, et publient des tribunes dans les journaux de droite, organisent des colloques et font du lobbying auprès des institutions et des parlementaires.

Si cela vous rappelle l’émergence de la Manif Pour Tous, ça n’est pas un hasard. Signant un appel aux côté de “L’OBSERVATOIRE DES DISCOURS IDÉOLOGIQUES SUR L’ENFANT ET L’ADOLESCENT” on retrouve l’association “Juristes pour l’enfance” née dans le sillage de la manif pour tous et qui s’est fait remarquer entre autres par sa campagne anti-PMA. Dans ces observatoires et leurs tribunes, on retrouve les mêmes psychanalystes, qui tiennent un discours traditionaliste sur la famille et le rôle des femmes depuis des années.

Tout comme ils agitaient l’épouvantail de la “théorie du genre” qu’on imposerait à nos enfants, ils parlent aujourdhui de “l’idéologie transgenre” qui serait promu par un nébuleux mais puissant lobby LGBT. Les ficelles sont toujours les mêmes.

Leur objectif, en réalité, n’est bien sûr pas de protéger les enfants ou les sportives cis. Il s’agit de campagnes bien menées, pour tout simplement faire reculer les droits des personnes transgenres. La transphobie ne constitue pas le fond de commerce principal de l’extrême-droite, qui reste le racisme et le nationalisme. Mais elle est une arme supplémentaire qui peut lui permettre, à la marge, de rassembler de nouvelles forces.

Et bien que ce ne soit pas son fond de commerce principal, cela se traduit par un danger direct pour les personnes trans. Au pouvoir, dans d’autres pays, del’extrême-droite ne s’est pas désintéressée de la question. Elle a mis en place des politiques concrètes qui ont durement affecté l’accès aux droits, aux traitements, au travail et au logement de milliers de personnes trans.

2. La transphobie au pouvoir

Aux Etats-Unis, leur activité a décuplé à partir de 2016 et l’élection de Donald Trump. Privé désormais du pouvoir au niveau fédéral suite à leur défaite contre Joe Biden, les projets de loi se multiplient désormais dans les Etats conservateurs afin d’interdire aux enfants trans le droit de pratiquer le sport en toute sécurité ou d’accéder à toute forme de transitio, allant jusqu’à imposer aux professeurs de dénoncer aux parents les élèves qu’ils pensent transgenres.Les enfants trans sont également instrumentalisés contre les mères dans les affaires de divorce par des pères abusifs qui veulent garder le contrôle sur leurs enfants.

Au Canada, la loi C-16 adop protégeant les personnes trans et adopté en 2020 a été combattue conjointement par Meghan Murphy, fondatrice d’un blog anti-trans prétendument féministe, et Jordan Peterson, polémiste conservateur masculiniste.

Au Royaume-Uni, les attaques se sont cristallisées autour du projet de réforme du Gender Recognition Act, qui visait à simplifier le changement de sexe à l’état civil. C’est là-bas que le mouvement dit «gender critical» a rencontré le plus de succès, la panique transphobe a été alimentée par les tabloïds comme le Daily Mail avant de s’étendre aux grands médias.

Concrètement, au Royaume Uni cette transphobie débridée dans les médias et chez les politiques est à l’origine d’une recrudescence des violences transphobes. Elle cause aussi un recul dans l’accès aux soins des personnes trans britanniques qui attendent des années leur consultation dans une Gender Identity Clinic.

Pendant un temps, en 2021, les transphobes ont obtenu l’interdiction des inhibiteurs de pubertés pour les ados trans, une victoire remportée main dans la main avec des religieux intégristes qui y voyait la première étape avent d’obtenir l’interdiction de l’avortement et la contraception pour les mineurEs.

Aujourd’hui, même la BBC dépeint Stonewall, la principale organisation LGBTI britannique, comme un nébuleux et puissant lobby trans. Des appels à couper leur financement sont lancés. Ce sont toutes les femmes et tous les LGBTI qui sont mis en danger par le mouvement anti-trans.

Et en France ? Ça arrive. Les activistes anti trans se structurent dans différents orgas où gravite souvent les mêmes personnes à l’intersection des milieux catholiques, réactionnaires classiques ou néo proches du printemps républicain, pseudo-féministes ou encore psychanalytiques.

On compte “l’Observatoire de la Petite Sirène” intitulé aussi “Observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent” qui relaie fréquemment leurs “inquiétudes légitimes” et les prétendues dangers à transitionner. 

Plus récemment ils ont constitué un collectif parallèle : Ypomoni, groupe de « parents et proches d’enfants trans » militant contre les transitions de mineur·es et qui a notamment fait pression pour que la loi interdisant les thérapies de conversion n’intègre pas les personnes trans. 

Ces petits groupes, qui partagent souvent leurs membres, sont à l’origine de beaucoup des tribunes qu’on voit publiées dans Marianne, Le Figaro, Charlie Hebdo et que vous avez pu voir en intro.

Et ça suit le même chemin logique que dans les pays anglo-saxons : Marianne commence par des tribunes anti trans, maintenant ce sont aussi des articles anti-IVG qui sont publiés. Et ce qui est assez ironiques avec ces néo-réactionnaires c’est que ce sont eux qui nous accusent d’importer des idées des Etats-Unis !

On pourrait en rire si tout ça n’avait pas de conséquences concrètes même aujourd’hui en France sur le rapport de force et les arbitrages politiques. 

En 2021, l’Education Nationale devait publier une circulaire sur l’accueil et l’accompagnement des enfants et ados trans et non binaires. Ce projet avait notamment été lancé suite au suicide d’une lycéenne trans victime de transphobie insitutionelle. La circulaire était écrite, elle devait paraître en début d’année et puis finalement… silence. 

Un silence qui dura des mois avant que cette circulaire largement remaniée ne soit publiée en catimini fin 2021. Alors même que l’on connait son goût pour la communication à outrance Blanquer n’en fit aucune à ce sujet.

Ce que révéla Mediapart, c’est que son cabinet a expurgé le texte d’une grande partie de son contenu. Le plus grave, il a été réintroduit le rôle de l’autorité parentale, c’est à dire que pour qu’un ou une élève puisse demander à être genré.e correctement et que l’établissement utilise le prénom de ses souhaits, il faut l’autorisation des deux parents. Ce n’est rien de moins qu’une mise en danger les élèves trans et non binaires qui vivent dans des foyers abusifs.

Rien d’étonnant donc que lors du “colloque anti-woke” organisé sous le patronage de Blanquer à la Sorbonne début janvier, les collectifs anti-trans aient eu droit à leur minute de pub par une intervenante dénonçant une “épidémie de transgenre”.

Une panique morale dans les médias, l’éducation nationale qui recule face aux réacs, ça ne vous rappelle rien ?

3. Ils rassemblent autour d’eux tous les transphobes

Récemment on a pu voir Marguerite Stern, connue pour ses collages sur les féminicides et ses prises de positions transphobes sur Twitter, se rapprocher de Julien Rochedy, militant d’extrême droite masculiniste à qui aucune féministe qui se respecte nz devrait adresser la parole. Qu’est-ce que tu fais là Marguerite ?

C’est le pouvoir de la transphobie, qui a été identifié par l’extrême droite comme un moyen de recruter des personnes qui auraient été réfractaires à leurs idées autrement. C’est un sujet perçu comme nouveau, qui est mal compris et qui touche une corde sensible. Comme pouvait l’être l’homosexualité il n’y a encore pas si longtemps. Aujourd’hui, difficile pour les réacs d’approcher une féministe en lui disant que quand même, y’a trop de lesbiennes dans le mouvement. Mais dire qu’il y a trop de trans, ça passe.

Et évidemment, la circulation des idées va toujours dans le même sens. Quand une féministe parle avec les nazis, elle fini par répéter leurs idées à eux, mais eux ne deviennent pas plus féministes. Et c’est d’autant plus facile de la convertir si la féministe est déjà islamophobe.

Des exemples de ces trajectoires on en a un certain nombre comme la journaliste Meghan Murphy au Canada ou l’universitaire Kathleen Stock au Royaume Uni. 

WHRC est une organisation pseudo-féministe fondée autour d’une déclaration dont le but est l’abolition de la quasi-totalité des droits des personnes trans. Sa branche française s’appelle “Noues Femmes” et collabore avec “Juristes Pour l’Enfance” un groupe catholique anti-LGBTI proche de la Manif pour Tous qui a milité contre le mariage et l’adoption, contre la “théorie du genre” à l’école, contre la PMA et plus récemment contre les mineur·es trans.

Dernièrement le collectif “Féminicides par conjoint ou ex” s’en est pris au Planning Familial relayant le mensonge selon lequel le mot femme y serait désormais interdit sous la pression des “transactivistes”. Dans les pages de Marianne ce collectif appelait publiquement à fuir le Planning, le qualifiant de #PlanningPatriarcal mais aussi à l’arrêt des financements de cette organisation si nécessaire à toutes les femmes. 

En faisant ça, elles donnent un crédit féministe aux activités transphobes des conservateurs. Elles sont la caution progressiste de bons vieux mouvements réactionnaires. Et puis un jour l’une d’entre elles est prise d’un éclair de lucidité en regardant autour d’elle et en se demandant pourquoi toutes ses amies soutiennent Trump, ou Zemmour, ou n’importe quel autre candidat anti avortement, anti contraception, anti droit des femmes. 

4. Faut-il avoir peur ?

Faut-il paniquer ? Pas vraiment. La situation est encore très loin d’être celle du Royaume Uni, de la Hongrie, de la Pologne, des USA. Les personnes trans restent un sujet marginal pour les forces conservatrices.

En 2021 quelques sénateurs français Républicains, inspirés par le lobbying des nouvelles organisations transphobes, ont proposé des amendements lors du vote de la loi interdisant les thérapies de conversion. Ils visaient à interdire les bloqueurs de puberté et à sortir la transidentité du champ des thérapies prohibées. Ces amendements n’ont été voté que par 28 sénateurs Les Républicains proches de la droite catholique qui les ont portés.

Non seulement aucun sénateur des autres groupes politiques ne les à suivi, même dans une assemblée connue pour son conservatisme, mais aussi que la grande majorité des 146 sénateurs LR ont refusé de suivre leurs collègues dans cette voie. 

La haine anti-trans ne paie pas encore assez électoralement pour que d’autres s’en saisissent. Il n’y a pas d’assaut organisé et systématique contre les personnes trans comme celui contre les personnes musulmanes. Les élus sont souvent trop occupés à être islamophobes pour s’occuper de nous. On peut espérer que, vu que la tolérance envers les LGBTI progresse globalement dans la société, notamment au sein des jeunes générations, cela reste ainsi. Pour beaucoup d’élus, nous ne valons pas la peine de vraiment se mouiller, dans un sens comme dans l’autre. 

Si aujourd’hui les personnes trans sont ciblées par les politiques publiques, c’est d’abord en tant que personnes racisées, migrantes, travailleuses du sexe, pauvres. La réforme de l’assurance chômage est bien plus inquiétante pour la plupart des personnes trans en France que n’importe quelle tribune dans Marianne.

Bref, nos ennemis hésitent à y aller, leur assaut est vacillant. Pas très coordonné. Ils essayent de faire monter une panique morale autour des enfants trans, des femmes trans lesbiennes, des trans dans le sport… Mais la mayonnaise n’a pas encore tout à fait pris. Pourtant, juste après le vote au Sénat, Valérie Pécresse racontait n’importe quoi à la télé.

Ce n’est pas rien. Mais il est encore temps d’endiguer une vague de transphobie législative.

5. Que faire ?

Nous n’avons pas toutes les moyens d’intervenir médiatiquement comme nos ennemis. Nous n’avons pas l’oreille des politiques. Une vraie bataille culturelle se joue, dans le champ politique comme dans la vie quotidienne, parfois dans notre entourage amical, familial, associatif. Comment intervenir contre la propagande transphobe des médias ?

Si vous opposer aux arguments transphobes de votre entourage est bien sûr utile, c’est le rapport de force à l’échelle de la société qui, sur le long terme, pèsera le plus sur les conditions de vie des personnes trans.

Le meilleur moyen de le faire bouger est de soutenir les initiatives militantes des personnes trans et de travailler à construire des alliances politiques entre les luttes trans et d’autres luttes pour renforcer notre camp.

Il faut protéger les personnes trans avant d’essayer de convaincre, d’engager un débat, de prendre des mesures punitives. Tout ça ne sert à rien si c’est pour ne pas nous écouter, pour nous envoyer au front, nous laisser devenir des objets de discussion. 

Vous allez souvent vous trouver face à des adversaires qui ne demandent qu’à se poser en victime des personnes trans. Il faut gérer ça collectivement et désamorcer le conflit avant de penser à vous poser en héros de la lutte contre la transphobie.

Mettre en avant des informations susceptibles de faire changer d’avis, comme notre publication “Mythes et mensonges sur les personnes trans” les ressources argumentaires, et rappeler que les personnes trans ne sont pas des stéréotypes de genre sur patte qui caricatureraient ce que doit être ou doit faire un homme ou une femme. 

La population ne se divise pas entre anti-trans et pro-trans. Entre les deux se trouve de l’indécision, de l’ignorance et des préjugés. L’enjeu se joue là et la manière dont on s’adresse à ces personnes est essentielle.

Conclusion

Pour conclure, on voudrait rappeler quelque chose : combattre pour les droits des personnes trans, ce n’est pas seulement combattre frontalement la transphobie. Les personnes trans sont en premières lignes face aux discriminations à l’emploi, face à la précarité, face aux politiques racistes quand elles sont racisées. Ça arrange aujourd’hui le PS et LREM de se présenter comme progressistes sur les questions LGBTI : mais ce sont des partis qui attaquent les droits sociaux, et donc les droits des personnes trans. 

Lutter pour les droits des personnes trans, c’est lutter sur tous les autres fronts où elles sont souvent plus exposées que d’autres. Pour le droit au logement, pour le droit au séjour, pour les droits sociaux, c’est aussi défendre le droit du travail. Ne l’oublions pas : toutes les luttes sociales sont aussi des luttes trans !

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